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La loi cantonale sur la mendicité du 23 mai 1827, tout en interdisant cette dernière, charge les communes de créer des comités pour l’assistance publique ainsi que des fonds spéciaux pour la bienfaisance. Un arrêté du 29 juillet 1850 prévoit l’établissement de comités de bienfaisance, mais ceux-ci ne seront que rarement institués avant la fin du siècle, les communes rechignant à appliquer les prescriptions cantonales en matière d’assistance. C’est donc souvent le canton, ou parfois d’autres communes, qui doivent s’y substituer.
Ce contexte permet d’expliquer, du moins en partie, l’intérêt que certaines communes ont pu trouver dans l’émigration, préférant parfois financer le départ pour l’étranger des pauvres et des personnes jugées indésirables et délaissées par leurs familles, plutôt que de leur fournir l’assistance publique. Les autorités cantonales, bien qu’elles s’en défendent publiquement, recourent également à cette « émigration de débarras », notamment pour expulser à l’étranger des repris de justice et des condamnés qui en font parfois eux-mêmes la demande, préférant leur mise au ban à l’emprisonnement.
La doctrine officielle du canton en matière d’émigration se veut d’inspiration libérale, c’est-à-dire que le gouvernement, face à un phénomène qu’il déplore souvent sévèrement, n’entend pourtant ni l’entraver, ni le favoriser. Il est à noter que conservateurs et radicaux s’accorderont sur cette même conception de l’émigration et convergeront dans une même réponse politique à son égard. Il s’agira donc pour le canton, dès 1856 de réguler l’émigration et d’en contrôler les conditions, notamment par des mesures de police imposant des patentes aux agences d’émigration. A partir du milieu des années 1860, l’émigration deviendra régulièrement un thème de programmes électoraux.
L’Etat fédéral est lui aussi directement concerné par le départ pour l’étranger de centaines de milliers de Suisses durant le 19e siècle et le premier quart du 20e siècle. Bien qu’elle ne soit pas incluse dans la Constitution fédérale de 1848 et qu’elle relève des cantons, la question de l’émigration constituera l’une de ses premières préoccupations en matière de politique démographique. Le gouvernement édictera également des dispositions légales en la matière et interviendra pour réguler le marché de l’émigration. Ses prises de positions sont inspirées par la même doctrine libérale qu’au niveau cantonal, comme en témoigne le message du Conseil fédéral du 24 décembre 1880 : « Ne perdons pas de vue que la force active est aussi une marchandise qui, avec raison, veut s'employer librement. (…) L'Etat qui encourage l'émigration est, aussi bien que celui qui l'empêche, en danger d'interrompre la circulation des forces ouvrières ».
Références
Gérald Arlettaz, « L’émigration, un enjeu politique cantonal et national (1848-1888) », dans Vallesia, 46 (1991), p. 67-81.
Gérald Arlettaz, « Démographie et identité nationale », dans Etudes et sources, 11 (1985), p. 83-180.